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Billet d’humeur de Didier Varrod : la stratégie de la terrasse

Le billet d'humeur de Didier Varrod : la stratégie de la terrasse
Le billet d'humeur de Didier Varrod : la stratégie de la terrasse - crédit photo : Smattern de Pixabay

La stratégie de la terrasse…

Elles sont là, dans Paris, qui nous ouvrent les bras. Mangent l’espace. Elles ont le droit de prendre plus de place. Elles sont comme des enfants qui courent après une matinée de classe. Elles font du bruit, elles crissent sur les trottoirs rouillés, elles bousculent le temps d’avant. Celui du silence et du repli sur soi. Elles sont aujourd’hui la concrétisation de notre bon de sortie. On s’y installe. Un café ? Une bière peut être ? Ou un mojito ? Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse de ce sentiment retrouvé de semi-liberté.

On se regarde avec nos distances. On ne s’était jamais regardé ainsi. On s’écoute. On échange. On rigole aussi. On retourne à la vie. Sans se toucher ni même se frôler. Et si cette petite renaissance était l’occasion de ne plus faire comme avant. Le temps d’avant les téléphones portables et les tablettes. On se regarde sans répondre à aucune autre sollicitation. Plus d’alertes, de SMS, de conversations groupées WhatsApp, de Twitter en continu, d’Instagram en instantané, de Facebook en fil de vie. On s’écoute enfin et on ne se contente plus seulement de s’entendre.

Comme ce leitmotiv chez moi qui consiste aussi à dire que les chansons doivent être écoutées et pas simplement entendues. Nouveau monde lève-toi donc avec ce nouvel impératif. Puisqu’écouter c’est peut être finalement commencer par se taire. J’écris cela en souriant puisque d’entrée en m’exprimant ici je parle. Mais je sais depuis assez longtemps, à la suite de Goethe qu’il faut être convaincu : « Qui parle sème, qui écoute récolte »… Ces trois derniers mois ont fait bouger quelques lignes. J’ai compris le sens de la phrase de Pascal : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre ». C’est donc plus heureux que je trouve le goût du mouvement progressif à l’air libre.

Me voilà à nouveau en terrasse à écouter le monde. Les chansons des oiseaux ont à nouveau laissé la place au bruit des hommes. En attendant que des chansons nouvelles reviennent. Elles se présentent à nous peu à peu. Semaine après semaine. « Comment vas ta peine », « Baise moi » « Je t’aime encore » « Conversation »… Ces bouts de vies éparpillées, ces miroirs qui nous reflètent, bientôt vont reprendre le chemin des studios d’enregistrement et des salles de spectacles… Sans public, mais libérées de leur confinement. Elles vont surtout continuer de raconter le monde. Et nous pourrons (peut-être), nous, les partager et chanter.

Entre ces silences revenus, sur nos terrasses libérées.

Didier Varrod, Directeur musical des antennes de Radio France

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