Terrenoire « Ça va aller »
Le saut en parachutes, les deux frères du groupe Terrenoire l’ont chanté et effectué avec leur premier EP 6 titres il y a deux ans.
L’image de ces deux garçons, en suspension dans l’air, est assez juste lorsque l'on a eu cette chance de les voir sur scène. La sensation d’un infini atmosphérique épouse leur musique faite de montées et de descentes harmoniques. Entre ciel et terre, ces deux oiseaux n’ont peur ni du vertige, ni de rester ancré dans la terre. Offrir à l’imaginaire un rôle à l’intérieur du réel, voilà le sens de la musique de Terrenoire.
Comment créer un autre monde à l’intérieur du monde. En publiant en plein confinement une chanson « Baise moi » qui tout à coup a résonné comme un manifeste de désir. Pour conjurer la fatalité de cette séparation contrainte de la chair. Pour déconfiner nos peaux coupées de leurs désirs. Pour exprimer cette impérieuse nécessité : vivre c’est se toucher. Seuls les morts ne peuvent plus le faire. Le « baise-moi » de Terrenoire est une invitation à entrer dans ce qu’ils ont appelé leur musée du désir. Le sexe un jour, la braise toujours. Le choix de la petite mort plutôt qu’un voyage pour l’enfer comme chez Virginie Despentes.
Les adeptes et fans du groupe ont pu ainsi exprimer leur vision du monde et de l’amour sur cette chanson. « Le printemps c’est l’étreinte renouvelée de la vie sur le monde. L’amour c’est la bouteille débouchée qui parfume la chambre. » pouvait-on lire sur leur compte Instagram.
Après cette première pierre portée à l’édifice d’une reconstruction, le groupe offre aujourd’hui une autre impulsion pour envisager ce qui pourrait ressembler à une volonté de réparation. Ces trois mots doux que l’on murmure aux enfants qui ont peur, aux blessés découragés, aux éclopés qui voudraient revenir dans le sens de la marche. Un piano pour se tenir droit, la voix devant qui mène le mixe, le chant ressemble parfois à un flow qui se précipite et qui joue avec des moments de ruptures et de silence. Le groupe Terre noire signe avec ce nouveau titre toute sa singularité stylistique. Dans l’album qui sortira à la fin de l’été et qui s’intitule « les forces contraires » on y croisera le fantôme d’un père disparu, Eros et Thanatos, les amours complexes qui écartèlent le cœur, l’envie de vivre, de consoler, beaucoup d’imprudence "bashunguienne" et de clair-obscur, celle des machines du temps présent. C’est terre noire, et cette mélancolie "hugolienne", qui est le bonheur d’être triste. Et qui dicte qu’il faut plus de courage pour être heureux que pour être malheureux. La jouissance des contraires.
Réécoutez la chronique de Didier Varrod vendredi 26 mai sur franceinter.fr