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Chanson de la semaine : La Fièvre

"La Fièvre" de Julien Doré
"La Fièvre" de Julien Doré - copie d'écran

La Fièvre de Julien Doré

Julien Doré revient après trois années de silence. Nous avons pu partager sa première diffusion vendredi matin sur France Inter. Une chanson qui semble marquer une certaine évolution artistique de l’artiste. Dès l’introduction du morceau, double surprise. La voix de Julien Doré joue le registre du falsetto pop. Une voix pour tutoyer les anges et prendre de la hauteur pour nous parler d’un monde, notre monde, serait-ce l’ancien monde, qui se trouve bien embarrassé, voire grippé, luxé dans son enveloppe corporelle.

Julien Doré pose d’emblée son sujet et trouve avec ce nouveau single un nouvel angle d’écriture. L’esperluette du précédent album était une nécessité pour marquer le besoin de lien dans une époque où le tissu social déjà se diluait. Mais les mots de Doré étaient à la fois une invitation à la traversée du désir animal et à la reconnexion avec l’enfance. Avec « La Fièvre » titre de cette toute nouvelle chanson, l’artiste observe le monde tel un ostéopathe devant agir sur un corps criblé de nœuds et de tension. Un praticien qui d’emblée livre un diagnostic sans concession : Plus de peine de cœur ni de cul, le monde est fiévreux, empêtré dans les affres du complotisme et d’une tentation à la prédation.

Cette nouvelle chanson a bien évidemment été écrite avant la pandémie qui a mis l’humanité presque toute entière dans un confinement contraint. De ses sombres archives, Julien Doré intuitif, a ainsi saisi, avec un temps d’avance, le virus qui couvait dans les veines malades d’un monde enrôlé dans sa course effrénée. Et comme pour conjurer la gravité et la peur, il imagine un climat tempéré pour faire passer la pilule un peu amère d’un constat sans appel. Comme si le son anglais de Brighton ou de Totnes la hippie et ville modèle de la transition écologique, s’était tout à coup téléporté sur la riviera. Ce parfum léger qui n’est pas sans rappeler les douces rondeurs pop du groupe Metronomy, n’empêche surtout pas Julien Doré d’opérer un glissement progressif du plaisir. Celui de partager jusqu’alors ses fragments du discours amoureux à celui d’un engagement plus précis. Non pas qu’il fut jusque-là totalement dégagé. On connaissait déjà son investissement intime pour les idées de Pierre Rabhi et d’Hubert Reeves. Ecologiste convaincu, l’idée de faire sa part selon la philosophie du colibri est sûrement toujours présente. Mais avec ce nouveau titre la pensée se fait plus saillante et n’hésite pas à dénoncer les dérives d’une humanité qui se déresponsabilise. Julien Doré chante ainsi :

« L’enfer c’est pas les autres, c’est ceux qui te font rêver
Et qui vendent leurs culottes, pour un peu de télé
Et toute ma grande famille, a le cœur tout chamboulé
Tant qu’il y a quelques partages, et du vide à écouler
Ils iront sur la banquise, passer quelques mois d’été
Photographier quelques plages, pour un peu de monnaie

Mais le monde a changé, il s’est déplacé quelques vertèbres
Où était l’osthéo, caché dans son dos attendant la fièvre
»

Julien Doré, narquois, désigne les germes d’un monde infecté par ses propres démons de la rentabilité, sans pour autant nous faire la morale. A sa façon, c’est lui, Julien Doré, pop star qui pourrait opérer une manipulation structurelle tissulaire et musicale afin de transmettre qu’il n’est jamais trop tard pour se remettre d’une scoliose dûe à passer son temps à courber l’échine pour fuir notre propre inconscience.

Réécoutez la chronique de Didier Varrod du vendredi 26 juin sur franceinter.fr

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