Julien Granel : Bagarre bagarre
Le nouvel EP de Julien Granel se clôture par « Danse encore ». C’est une chanson qui fleure bon le vécu d’une année où Julien Granel a pris effectivement en plein cœur, le vertige de la folie d’une tournée à l’ombre de la désormais iconique Angèle.
Julien Granel, enfant de la côte ouest, donne du corps à cette idée que la Californie française n’est pas une idée vaine. Un certain lâcher prise permanent transparaît dans sa musique. Ainsi qu’une lumière et un souffle océanique qui caressent ses refrains que l’on imagine aisément rythmer les apéros de plage, à l’heure où les planches de surf, posées sur le sable, sont le miroir idéal du soleil couchant.
Instinctif, et encore accroché aux mirages de l’enfance, Julien Granel est une sorte de point d’exclamation, comme un lien irrésistiblement commun avec « la psycho tropical Berlin » attitude que le groupe La Femme a imposé il y a déjà quelques années. Preuve en est cette excellente version live, en mode confiné, que Julien Granel a interprété avec le troublant Maxenss qui démontre que l’adage « dis-moi d’où tu chantes je te dirais qui tu es » est implacable.
Julien Granel, Arlequin post moderne, prolongement déviant de la génération fluo kid, redessine les frontières de la notion de bon goût. Son curseur ne pointe à priori pas dans cette zone d’appréciation. Adolescent, il se faisait insulter parce qu’il portait trop de couleurs excentriques. La musique lui a sans nul doute permis de trouver son terrain d’émancipation. Illustration de cette nouvelle notion sociologique de « l’empouvoirement », qui consiste à prendre le pouvoir non seulement sur sa propre vie mais par la norme que l’on s’est choisie pour exister. Et lorsque les questions de l’identité sexuelles et émotionnelles sont évoquées, le rouge à lèvre, les yeux maquillés et la plus belle robe pour aller danser valent tous les poings levés… Julien Granel de fait, symbolise assez bien la modernité du genre masculin. Avec cette capacité de reconnaître qu’il est partagé entre le désir d’agir ou de laisser faire les choses se défaire. Le plus souvent, c’est en se rassemblant que l’on se reconnait.
Julien Granel est l’exception sensible qui confirme le contraire. Il a fallu qu’il se bagarre pour se faire respecter. Son premier groupe de lycée lui avait donné le nom d’un paquet de chips « The laz ». De la « Junk Food » qui lui a permis de comprendre que la mise en scène de ses excès décuplés constituerait sa force. Cocteau et Granola (son surnom à l’adolescence) dans un même petit corps qui ressuscite la mythologie d’un « Monsieur 100 000 volts ».
sortie de Bagarre bagarre le 26 juin 2020
Réécoutez la chronique de Didier Varrod du vendredi 19 juin sur franceinter.fr