Entretiens avec Jacques Chancel
Les cinéastes à la Radio
184 pages – Sortie le 11 mai 2017
Les entretiens radiophoniques qui composent cet ouvrage ont été édités en 2015 dans la collection sonore Les Grandes Heures Ina / Radio France et sont extraits de l’émission de Jacques Chancel, Radioscopies, sur France Inter.
Jean-Pierre Melville, 15 septembre 1969
François Truffaut, 24 juin 1969
Claude Chabrol, 27 mars 1970
Louis Malle, 17 mars 1972
Claude Lelouch, 21 janvier 1982
« François Truffaut, vous considérez-vous comme un bon cinéaste ? » La question, posée avec calme et détermination, est osée. La réponse ne l’est pas moins : « Oui », répond Truffaut. Un grand « OUI » qu’auraient pu prononcer Louis Malle, Claude Chabrol, Jean-Pierre Melville ou Claude Lelouch… Cinq cinéastes réunis dans ce livre par un dénominateur-interviewer commun : Jacques Chancel.
Au moment des faits, ils ont tous à peu près le même âge, autour de la quarantaine. La quarantaine, et déjà une œuvre en marche. Mais plus que le cinéaste, c’est l’homme qui intéresse Chancel et, de ce point de vue, Truffaut, encore lui, restera son « client » le plus opaque. Et pourtant le questionneur tentera plusieurs pistes : Deneuve, les actrices, l’amour comme moteur de l’existence… tout rebondit sur le mur de sa pudeur ! Truffaut pour qui le cinéma reste la seule raison de vivre. Un axiome absolu.
À l’instar de Jean-Pierre Melville, le plus solitaire de la bande. L’homme et le cinéaste sans concession et sans compromission. « Orgueilleux ? » relève Chancel. « Non, fier », rétorque Melville. La frontière est ténue pour cet homme si sensible (doux euphémisme) aux mauvaises critiques et à la fois très critique sur le travail des autres. Critique mais honnête quand il s’agit de convictions politiques. Ils sont très peu nombreux les cinéastes à s’avouer de droite. Lui, Melville, l’assume totalement.
À l’opposé d’un Chabrol qui refuse l’étiquette de « bourgeois » : « Je suis marxiste. » Cette affirmation résonne chez le cinéaste tel un fait acquis sur lequel Chancel ne renchérit pas. Un peu plus loin dans l’entretien, il le mettra face à ses contradictions, mais Chabrol, sous ses airs bonhomme, se révèle plus complexe que prévu. Comme ses films finalement et ses intrigues qui descellent avec talent toutes nos zones d’ombre…
Ce rejet de la bourgeoisie, on le retrouve chez Louis Malle. L’enfant gâté, au sens propre. L’argent reçu en héritage et qu’au fond il n’assume pas, préférant évoquer sa liberté d’artiste et sa quête existentielle : « Je ne sais pas ce que je cherche mais je le cherche. »
Reste le plus blessé de tous, Claude Lelouch. Et Chancel sait appuyer là où ça fait mal : la critique, chemin de croix du cinéaste. Mais Lelouch, à la fois caliméro et fonceur, conclut, honnête : « Je suis un bon perdant. »
Bref, cinq cinéastes en quête d’amour et de reconnaissance et un sixième personnage, Chancel, le metteur en scène de leurs âmes.
Christine Masson.
Né en 1931, Jacques Chancel fut journaliste, écrivain et l’une des grandes figures de l’audiovisuel français. Il anima notamment sur France Inter les émissions Parenthèses, Figures de proue et Écran total. Il lança Antenne 2 en 1975 et y anima Le Grand Échiquier. Il fut directeur d’antenne de France 3 puis administrateur de Canal+. Membre du Haut Conseil de la francophonie, Jacques Chancel est mort le 22 décembre 2014.